Lorsque l’on entre dans l’atelier de Michael Quirke, difficile de croire qu’à une époque, il s’ agissait d’une boucherie, celle de son père. Aujourd’hui, on y découvre un lieu imprégné de passion, mais aussi de légendes. A peine entrées, Michael nous présente les lieux et, dans la foulée, commence à sculpter pour nous, de ses mains creusées par les rides mais toujours aussi fermes. Non sans agrémenter son occupation de commentaires, d’anecdotes et de contes. Lorsque nous parvenons à lui expliquer le but de notre visite, le flot de paroles s’intensifie, d’une source qui jamais ne sera tarie.
Dans le bleu de ses yeux rêveurs, nous y lisons tout d’abord une passion. Une dont l’histoire débute dans les années 50, lorsque Michael commence à sculpter, en parallèle de son métier de boucher. Il finira par s’ y consacrer à plein temps, en 1968. « Je vendais surtout aux touristes, mais à cette période de l’année (l’hiver ndlr) il n’y en a plus. Je luttais pour trouver des idées. », explique le vieil homme. La mythologie celtique est alors venue naturellement. « Je suis irlandais, mon cerveau fonctionne comme ça« , glisse-t-il dans un clin d’œil. « Vous savez, la mythologie irlandaise est aussi riche que la grecque ou scandinave mais la vraie différence c’est que les histoires sont toujours drôles. Même si parfois c’est de l’humour noir. » Son regard se perd, s’emplit de magie et d’épopées fabuleuses comme celle des taureaux de Cooley ou de la reine/déesse Maeve, figure primordiale dans l’art de Michael. La raison en est toute simple : « l’Irlande est féminine et possède trois visages : l’enfant, Oige, la mère, Mathair, et la vieille femme, Aois. Cela reflète le parcours des héros. L’enfant fait d’un garçon un homme, la mère de l’homme, un roi et la vieille femme offre à l’homme de pouvoir mourir. »
Une enfance peuplée de légendes
Du haut de ses presque 80 ans, c’est l’enfant rêveur qui raconte ses souvenirs. Du premier livre qui l’a fait tomber amoureux des mythes celtiques : The white goddess de Robert Graves.
« Dedans j’ai vu que l’on parlait de Garavogue, ça m’a intrigué. Je me suis dit « comment l’auteur peut-il connaître la plus petite rivière d’Irlande ? » » Mais le souci avec les livres, c’est qu’ils sont traduits d’histoires irlandaises. Il lui faudra découvrir Gods and fighting men de Lady Gregory pour découvrir le véritable sens de toutes ces histoires. En découvrir les valeurs, les personnages courageux et hilarants qui les peuplent…
Et leurs coups de théâtre, « similaires à celles des amérindiens« . Il découvre un moyen de perpétuer ces histoires sans les mettre en cage. En les sculptant, ils les enrichit de l’interprétation qu’il en fait, de celles des autres aussi. « Les gens croient que je suis triste de me défaire de mes personnages, mais je suis content. Car quand ils partent, je les sculpte à nouveau, à chaque fois différemment de la fois précédente« , explique-t-il tout en faisant défiler sous nos yeux ses créations.
Des histoires, un pays
Mais sculpter des légendes, c’est aussi un moyen pour Michael de les transmettre, de continuer à les faire vivre. Auprès des touristes… mais aussi des irlandais. « C’est important que les irlandais connaissent ces histoires. Ma mère disait souvent que l’on ne peut jamais trop en savoir sur son propre pays« .
Mais au fond, Michael le sait : les irlandais connaissent leurs légendes « même s’ ils vous disent le contraire ». Selon lui, « les villes ont un effet négatif sur les mythes. Ils survivent mieux dans la nature« , logique, lorsque l’on sait combien la nature était importante chez les celtes.
Comment ces histoires parviendront à survivre au fil des années ? Nul ne le sait. Même pas celui qui les sculpte. Pourtant elle le feront. « Lorsque l’on vivait dans des communautés de 3000-5000 habitants, il y en avait toujours un pour raconter ces mythes. Un qui était toujours un peu absent. » On disait de lui qu’il était « away with the fairies ». « Il y a une richesse et un humour dans ces histoires qui ne peuvent être perdues« , souffle Michael Quirke, le regard voilé… ou habité par les fées, qui sait ?