Cape en peau de bête, bagues aux doigts et chapeau de cuir, le chef du village viking nous invite à entrer dans sa demeure. A l’intérieur, mobilier en bois et jeu de stratégie vieux de plusieurs siècles. L’atmosphère est feutré et l’ensemble pourrait bien correspondre à l’idée que l’on se fait d’une cabane viking.
On compterait près d’une petite centaine de reconstitutions de village viking en Europe. Beaucoup, comme à Avaldsnes, sont des reconstructions de fermes. « Nous, on voulait construire une ville parce que personne ne l’avait encore fait« , souligne de sa voix douce Georg Olafr Reydarsson Hansen, chef des Njardar Vikings. Le projet prendra vingt ans. Le village devrait ouvrir ses portes en mai prochain.
Douze hectares lui sont consacrés, après de nombreuses péripéties. « Je suis arrivé ici en 1995 avec ce projet en tête, explique Georg Olafr, On en a parlé au conseil qui l’a approuvé. Mais rien ne s’est passé. Il y a deux ans, le site a été requalifié en site touristique et des parcelles ont été mise en vente. Une société, Gudvangen developpement, en a acheté pour permettre la construction du village viking« . L’organisme viking possède désormais 95% des terrains et vise d’avoir près de 2000 touristes par jour. Si aujourd’hui, seule la maison du chef est sur pied, d’ici à mai, d’autres constructions devraient voir le jour. Comme une « boat-house », contenant un bateau Viking, ou encore une ferme et des « long-houses ». « La ville fera face au fjord, des barrières seront dressées pour dissimuler les bâtiments externes au projet« , raconte Georg Olafr.
Selon lui, une estimation de 2000 touristes par jour a été faite. « Moi, au départ, je voulais faire ça pour les enfants car je trouvais que c’était important qu’ils connaissent leur héritage. Mais on ne peut pas se dissocier du tourisme, c’est le seul moyen pour que ça rapporte de l’argent« , déclare le chef viking, pragmatique. « Mais le tourisme permet aussi de partager notre héritage culturel et c’est tout aussi important« , reconnaît-il. Les premières années, le site devrait tourner avec une petite dizaine de salariés… et une centaine de volontaires pour faire vivre le village et montrer aux touristes la vie des vikings et leur artisanat. En attendant, Gudvangen accueille depuis 13 ans le marché viking. Ils étaient 400 cette année à s’être installé en campement pour exposer pendant une semaine leur artisanat, faire des démonstrations et donner vie à de petites saynètes.
Un hobby, une passion, un travail
Le son des tamtams retentit au loin. Lorsque le pont en bois nous amenant au marché est franchi, on distingue les mélodies d’instruments à cordes. Ici, personne ne porte de casques à cornes, ce n’est qu’un mythe. Les étals regorgent de bijoux en bronze et d’objets de cuir et entre eux tentes en toile, les vikings s’ affairent à préparer le déjeuner.
Georg Olafr estime à près de 6 000 le nombre de Norvégiens se consacrant à de la reconstitution Viking. 50 000 dans le monde entier. Mais quel peut bien être l’élément déclencheur de cette passion qui semble vous suivre toute une vie ? « L’ère Viking est probablement la plus impressionnante de l’époque. Les bijoux, les bateaux, les croyances… tout attire« , songe-t-il. Pour sa part, la transition s’est faite de manière étonnamment simple.
« En 1974, j’étais un hippie. Puis j’ai rencontré ma femme, je me suis coupé les cheveux et j’ai enfilé un costume pour devenir commercial. Lorsque mon mariage s’est terminé, j’ai commencé à reprendre mon ancien look. Jusqu’au jour où un client m’a fait remarqué que je commençais à ressembler à un viking… je suis rentré dans un musée et je leur ai dit : je veux apprendre à devenir un viking« . Il s’agissait du musée des bateaux-vikings à Oslo. Pendant des années, il a ainsi apporté des outils ou des vêtements qu’il faisait fabriquer au directeur du musée qui lui indiquait ensuite s’ il était sur la bonne voie. « Une amie spécialisée de l’ère viking est devenue mon mentor« , conclut Georg Olafr. « Je vis une vie moderne mais je travaille comme viking« , Georg Olafr officie des mariages vikings mais avoue conduire des taxis avant de pouvoir reprendre son rôle de viking à temps plein.
Philippe lui, s’est tourné vers la reconstitution historique après s’être découvert des racines scandinaves. Originaire de l’ancien comté de Hardres-Guines, ce nordiste de 43 ans se glisse de temps en temps dans la peau d’un viking depuis une quinzaine d’années. Mais le marché viking de Gudvangen, c’est une première. « C’est un moyen de se mettre en immersion et d’augmenter ses connaissances en les partageant. Vis-à-vis du public, c’est une manière d’enseigner une partie de l’Histoire qui aurait pu être mis de côté« , explique-t-il, hache à la main et posture impressionnante pour garder l’entrée des lieux. Drapé dans une peau d’animal, son casque et sa voix grave suffisent à se mettre dans l’ambiance. Pour d’autres comme Marc, ancien président de l’association Njardar viking de Belgique, c’est avant tout un amour de la Norvège qui l’a amené à s’intéresser à cette civilisation. Holjir s’affaire à vendre ses esclaves fraîchement attrapé(e) sur le marché. Armé de son filet et de ses chaînes, il scrute les touristes à la recherche de la perle rare, à la dentition parfaite et au dos solide. Entre deux enchères, il reconnaît participer à des villages vikings dans son pays natal : la Suède.
Ces reconstitutions semblent avant tout être des moments de retrouvailles et de convivialité. Georg Olafr en est d’ailleurs convaincu, pour beaucoup des participants il s’ agit « de chercher une famille« . Il faut bien souligner que les vikings avaient un très fort esprit familial.